Le metteur en scène Alain Platel se rappelle très bien la première fois qu’il a entendu, adolescent, « Les Vêpres » dans une église gantoise, par une journée estivale caniculaire. Les instruments baroques authentiques étaient constamment en violent désaccord. Il y vit peut-être alors un lien avec le déchirement de la musique tzigane. Quoi qu’il en soit, il vit en cette œuvre l’une des plus abouties du répertoire liturgique. Composé en 1610, le Vespro della Beata Vergine, puisque tel est le titre intégral des Vêpres, fut la carte de visite du compositeur Claudio Monteverdi. Il était alors à la recherche d’un nouvel employeur et voulait démontrer son éclectisme… en bref, qu’il ne rejetait pas l’ancien mais qu’il aspirait toutefois à tracer de nouvelles voies vers la nouveauté. Sa musique n’était plus seulement l’expression d’une religiosité collective mais faisait également place à l’expression individuelle. L’harmonie et la mélodie restaient fondamentales mais le contrepoint et la rythmique étaient porteurs d’une intense émotion. Pourtant, ce n’est pas une interprétation directe et sans détour des Vêpres que Platel propose avec vsprs. Il opte pour une voie plus aventureuse et est assisté, dans cette tâche, par Fabrizio Cassol, le directeur musical du projet. Cassol enrichit le projet de différentes cultures musicales en y introduisant son trio d’impro Aka Moon (batterie, saxophone et basse), deux musiciens tziganes (violon, contrebasse), un groupe de musique baroque composé de deux cornettistes, de deux trombones et d’une soprano. Cet ensemble bigarré se laisse inspirer par différents thèmes des Vêpres et en explore les facettes encore vierges. Platel adopte une approche totalement différente par rapport à Monterverdi. Venant de spectacles dans lesquels de fortes personnalités étaient le miroir tant différent que vital de l’univers, il semble chercher un monde intérieur offrant la perspective d’une plus grande solidarité, même si ce n’est que le temps d’une représentation. La question reste, cependant, de savoir si cela apporte une quelconque rédemption. Dans ses œuvres précédentes, Platel a très souvent choisi la musique baroque qui confère toujours une dimension sublime. Il lui opposait des histoires d’identité et de diversité de notre monde. Ces spectacles traduisaient alors souvent une confrontation entre le ciel et l’enfer. Il semble aujourd’hui que Platel recherche davantage à établir un passage, un lien.
http://youtube.com/watch?v=YI4QNc5aVDw
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